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Le domaine Holmestead

 

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"La Dinde à la Trace" 


Nous avons souvent pensé à inclure quelques mots au sujet des dindes de "libre-gamme" que nous élevons.  Nous avons récemment trouvé cet article et avons obtenu la permission de s'en servir.
"La Dinde à la Trace" apparue dans l'édition Temps des Fêtes 2003 de À Bon Verre, Bonne Table, édité par la LCBO (le tableau de commande de boisson alcoolisée d'Ontario) et ce reportage a été écrit par Robert Hercz. LCBO
La seule chose que nous pourrions ajouter à l'article est que tous les ans nous en fumons quelques unes avant de les mettre dans le congélateur - c'est un régal spécial!

La photographie est la nôtre - nous l'appelons "Tom, Dick et Harry".
 

Turkeys
 

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"La Dinde à la Trace":  Voici un bref et fascinant historique du volatile dont raffolent tant les Nord-Américains aux Fêtes.

Les Canadiens sont des gens tournés vers l'avenir. Lorsque vous irez acheter votre dinde de Noël au supermarché ou chez votre boucher, vous penserez probablement davantage à ce que vous allez en faire qu'à là d'où elle vient. La dinde a pourtant un parcours fascinant.

Le dindon sauvage est un oiseau originaire d'Amérique du Nord domestiqué il y a 2 000 ans par les Aztèques, qui se nourrissaient de sa chair et utilisaient ses plumes dans la confection de colliers, de parures et de flèches. Ils en vendaient un millier par jour sur leurs marchés et célébraient un festival de la dinde tous les 200 jours. Chez les Mayas, les festins royaux incluaient des tortillas de maïs garnies de chair de dinde. Quand les Espagnols arrivèrent, la dinde constituait la principale source de viande domestiquée dans le Nouveau Monde. Christophe Colomb et Fernand Cortez mangèrent tous deux de la dinde et ramenèrent avec eux des bêtes vivantes en Espagne. La viande de dinde remplaça bientôt celle de paon, plus coriace et filandreuse, dans les banquets de l'aristocratie, et de l'Espagne sa domestication ne tarda pas à gagner l'Italie et la France.

La dinde fut baptisée "poule d'Inde" par les conquérants espagnols qui se croyaient aux Indes lorsqu'ils l'ont découverte. Le mot "dinde" rappelle donc l'origine alors présumée du volatile. Lorsqu'elle fut introduite en Angleterre, en 1541, on le nomma "turkey-cock", terme qui était déjà utilisé en Afrique du Nord pour désigner une pintade que des commerçants avaient rapportée de Turquie. C'est là du moins une première théorie de l'origine du nom anglais. Une autre veut que ce soit Colomb qui, croyant qu'il avait atteint l'Inde et qu'il s'agissait d'un membre de la famille du paon, ait baptisé l'oiseau tuka, c'est-à-dire paon dans la langue tamoule parlée en Inde. Une autre encore veut que le nom provienne du son "turk-turk-turk" que fait l'oiseau lorsqu'il est effrayé. Quoi qu'il en soit, seul l'anglais a retenu la dénomination "turkey". En turc, on l'appelle hindi et en hindi, peru.

Les Pères pèlerins qui traversèrent l'Atlantique en 1620 connaissaient déjà la dinde; en fait, ils transportaient à bord du Mayflower certaines souches européennes domestiquées. La toute première Action de grâces célébrée en Amérique en 1621 n'était pas une fête nouvelle comportant des plats obscurs, mais plutôt l'incarnation d'une vieille tradition anglaise, à savoir le festival de la récolte, où on remplaça l'oie traditionnelle par la dinde, plus facile à trouver.

Le dindon sauvage est un oiseau admirable. Membre de la famille du faisan, il compte parmi le gibier à plumes des plus rapides et peut parcourir de courtes distances à une vitesse pouvant atteindre 90 km/h en volant et 40 km/h à la course. Ses sens de la vue et de l'ouïe sont absolument remarquables, comme le savent trop bien tous les chasseurs de dindons. Le mâle a un beau plumage bronze à reflets vert métallique; sa tête et son cou sont dépourvus de plumes et munis de caroncules rouges (excroissances charnues) qui ne sont probablement attrayants que pour les autres dindons. Le dindon sauvage est un oiseau polygame; au printemps, le mâle glougloute (la femelle, elle, produit un petit bruit sec), se pavane et fait la roue pour attirer à lui quantité de femelles. Le jour, les dindons fouillent le sol pour trouver des graines, des baies, des bourgeons et des vers (et de temps à autre se régalent d'une grenouille, d'un lézard ou d'un serpent); la nuit, ils se perchent sur les arbres pour dormir.

L'un des plus grands admirateurs du dindon sauvage était nul autre que Benjamin Franklin, l'un des pères fondateurs des États-Unis. C'est lui qui proposa le dindon sauvage comme oiseau national du pays et sa déception fut profonde lorsque le choix se porta sur le pygargue à tête blanche, oiseau de "mauvaise moralité" à ses yeux. "Le dindon est un oiseau bien plus respectable et, en outre, véritablement originaire d'Amérique", écrivait-il dans une lettre adressée à sa fille.

Le dindon sauvage frisa l'extinction en raison de la chasse et de la destruction de son habitat. En 1930, on n'en comptait plus que 30 000 aux États-Unis (en 1902 il avait déjà disparu de l'Ontario, son seul lieu de résidence au Canada). Mais les mesures prises pour réintroduire l'espèce ont été couronnées d'un vif succès : on dénombre aujourd'hui six millions de dindons sauvages aux États-Unis, répartis dans tous les États sauf l'Alaska. On a fait de même au Canada, où de nouveaux troupeaux ont été établis au Manitoba, en Saskatchewan et en Alberta; ils sont aussi de retour dans le sud de l'Ontario, où on compte maintenant près de 50 000 volatiles.

La dinde que vous servez à Noël n'est toutefois par un dindon sauvage. C'est un blanc à large poitrine, une race développée dans les années 1950 et la seule variété dont on fasse aujourd'hui l'élevage sur une grande échelle. Le blanc à large poitrine n'est pas un oiseau admirable; il est même pitoyable. Il est incapable de voler à 90 km/h; il est incapable de jucher sur une branche d'arbre. En fait, il est incapable de voler. Ou même de courir. Il est trop lourd. Parce qu'on l'élève pour qu'il produise une si large poitrine de viande blanche tant recherchée, il a tendance à tomber, et une fois au sol, il peut être incapable de se relever seul. La poitrine du mâle est d'une taille telle qu'il lui est physiquement impossible de s'accoupler. Toutes les dindes domestiquées sont le produit de l'insémination artificielle. Grâce à un élevage très sélectif, elles ont toutes des plumes blanches pour ne pas déplaire aux consommateurs, qui n'aiment pas voir de disgracieuses taches de couleur sur la peau de leur oiseau après qu'il a été plumé.

Les blancs à large poitrine vivent une existence courte et protégée. Ils circulent librement dans des granges ouvertes à ambiance contrôlée, aux côtés de milliers d'autres de leurs semblables. Ils engraissent vite, non pas parce qu'on leur fait prendre des hormones ou des stéroïdes - qui sont illégaux au Canada - mais bien parce qu'ils ont un accès constant à de l'eau et à de la nourriture et que la pratique d'un élevage sélectif a produit des volatiles toujours plus gloutons. En 1960, il fallait 22 semaines pour produire une dinde de 10 kilos; il faut maintenant 15 semaines. La viande des mâles est découpée en côtelettes ou entre dans la fabrication de saucisses et de charcuterie; plus petites, les femelles sont vendues entières pour être rôties.

Bien entendu, un tel progrès a un prix. Il semble que l'élevage ait fait disparaître l'intelligence, par exemple. Dans un manuel qu'il publia en 1947 sur l'élevage de la dinde, l'auteur G.T. Klein concédait que, si les dindons sauvages sont "sauvages et prudents d'une manière presque géniale", ceux qui élèvent des dindes domestiquées "seront dégoûtés par leur bêtise". Il y a plus qu'un brin de vérité dans le vieux bobard voulant que les dindes se noient dans une pluie torrentielle : les jeunes dindes n'ont pas le réflexe de se mettre à l'abri de la pluie et les dindes d'élevage n'ont pas leur mère avec elles pour leur apprendre à le faire. Avant l'âge de huit ou neuf semaines, lorsque les plumes remplacent le duvet, elles sont susceptibles de mourir de froid si elles se font mouiller. Il en est de même pour ce qui est de s'alimenter : si on ne leur apprend pas à manger, les jeunes dindes mourront de faim même s'il y a de la nourriture tout autour d'elles. Dans la nature, leur mère leur apprend à se nourrir. Ayant compris que les jeunes bêtes sont naturellement attirées par les couleurs vives, les éleveurs répandent des billes ou des bandes d'aluminium dans leur nourriture ou vaporisent celle-ci d'un colorant alimentaire vert. Les dindonneaux picorent les éléments colorés et apprennent ainsi à se nourrir. Ceux qui ne comprennent pas meurent de faim.

Un autre fait à déplorer, notamment pour le consommateur, est la perte de saveur et de texture de la viande. Les blancs à large poitrine sont abattus encore jeunes, avant d'avoir pu constituer une couche savoureuse de gras. Leur viande blanche est naturellement sèche, c'est pourquoi les dindes autobadigeonnées vendues dans le commerce sont injectées de solutions comprenant de l'huile végétale, de l'eau et du sel. C'est aussi pourquoi le saumurage (faire tremper la dinde dans la saumure pendant des heures) est devenu populaire à la maison. Cela explique aussi l'existence du mouvement voulant le retour aux dindes patrimoniales, comme celles appartenant au Bourbon Red, au bronzé et au Narragansett, races qui ont précédé le blanc à large poitrine, et voulant qu'on les élève quelques semaines de plus pour qu'elles aient le temps d'engraisser. Ceux qui ont goûté à de telles dindes affirment que la différence est énorme : ces volatiles ont une peau plus épaisse et une chair plus ferme, plus juteuse et, surtout, beaucoup plus savoureuse (en particulier la viande brune) que celle des oiseaux d'élevage commercial.

Les espoirs que les choses changent reposent chez les mêmes forces qui ont créé le blanc à large poitrine, à savoir le consommateur. Il y a cinquante ans, quand on a demandé de la viande blanche maigre, on a obtenu de la viande blanche maigre. Si la préférence va maintenant à une viande brune plus savoureuse, l'industrie devra fournir, et en quantité voulue. Il suffit de le demander.

 

FAITS DIVERS SUR LA DINDE

* On doit à Charles Dickens et à son Chant de Noël (dans lequel, à la fin, un Ébénezer Scrooge racheté envoie une dinde bien dodue à son souffre-douleur de longue date, son secrétaire Bob Crachit) d'avoir popularisé la coutume de servir une dinde à Noël. Avant la parution de son conte, en 1843, le repas de Noël traditionnel des Londoniens consistait en une oie.

* La tradition, répandue dans le sud des États-Unis, de faire frire la dinde entière en plein air gagne en popularité. Il suffit de mettre environ 16 à 20 litres d'huile dans une marmite de 50 litres et de la chauffer à 180 ºC. Même s'il faut compter environ une heure pour faire chauffer l'huile, la cuisson ne prend que 7 minutes par kilo. La friture produit une peau croustillante en plus de sceller la volaille; la viande est donc juteuse.

* Selon Le Livre Guinness des records, la plus grosse dinde farcie pesait 39 kilos, record établi le 12 décembre 1989.

* Une dinde sur quatre dans le monde voit le jour à Cuddy Farms, dont le siège social est situé à Strathroy, en Ontario. L'entreprise produit 130 millions d'œufs par année dans ses couvoirs situés en Ontario, aux États-Unis et en Europe.

* Le personnage Big Bird de l'émission Sesame Street porte un costume confectionné de 4 000 plumes de dinde teintes jaune vif.

* Aux États-Unis, la fête de l'Action de grâces fut célébrée pour la première fois par les Pères pèlerins en 1621. Il fallut attendre plus de 200 ans pour qu'elle le soit une deuxième fois : Abraham Lincoln en fit un jour férié en 1863, en réponse à la campagne menée pendant 40 ans par Sara Joseph Hale, rédactrice en chef de magazine et auteure de Mary Had a Little Lamb.

* Au Canada, l'Action de grâces fut officiellement instituée en 1879. En 1957, la date en fut modifiée pour passer du 6 novembre au deuxième lundi d'octobre. Comme elle a pour but de célébrer la récolte et que la saison de croissance est plus courte ici, cette fête est célébrée au Canada six semaines et demie plus tôt qu'aux États-Unis.

* Des chercheurs canadiens ont trouvé un nouveau régime alimentaire permettant d'élever les dindes à bon prix: des vers en poudre.


 
"La Dinde à la Trace" est © Robert Hercz (rhercz@sympatico.ca), 2003 et est employé ici avec permission.
 

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